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L’Association Centre-Huit de Versailles
, lieu de réflexion spirituelle œcuménique, inter-religieuse et d’action sociale et Philippe Lemant, vous proposent en 2009-2010 d’entrer dans la relation « Peinture et Spiritualité ».





Le cycle comporte huit séances ; quatre séances de débats et quatre séances d’étude de peintures. Cette double approche est l’originalité de la démarche car il y a des paroles à entendre et un regard à poser. Les mettre en relation permettra de mieux appréhender le chemin du spirituel.
Approche de la spiritualité par la lecture de l’image et l’écoute de la parole.





Première séance:
"Fonction de l’image dans l’expression de la foi et sa transmission", jeudi 19 novembre 2009.

Ce cycle a voulu répondre à une question inhabituelle:
«notre regard sur la peinture peut-il changer notre relation à la spiritualité?».


Vous êtes venus pour la première séance d’un cycle et vous vous demandez peut-être le pourquoi d’un cycle. Un cycle permet un cheminement et nous vous proposons donc de cheminer d’une part à partir de la peinture, c'est-à-dire du regard (et il aurait pu s’agir de sculpture ou d’architecture…) et d’autre part à la rencontre de la parole. Il s’agit donc d’un double cheminement du regard et de la parole qui doit nous emmener sur la voie de la spiritualité.
Nous aurons donc à préciser ce que l’on entend par « spiritualité ». Dans le cadre de ce cycle nous avons pensé le spirituel comme une force qui nous hisse vers le haut ou, comme le dit Baudel, une aspiration à l’infini. Le pasteur Flemming ajoutera que le spirituel est ce qui nous précède et nous dépasse.
Les séances vont alterner réflexion – discussions, toujours à partir de la peinture et séances peinture – réactions toujours suivies de paroles sur la peinture. Il n’y a pas de paroles si on ne peut imaginer, pas de parole si on ne peut imager.

Au terme de ce cycle avons nous changé notre regard sur la peinture et notre écoute de la parole?
En effet nous sommes gavés d’images mais ne dit-on pas que notre appétit de spirituel en pâtit? L’image est-elle nuisible? Que font les peintres? Y a-t-il encore du spirituel dans leurs œuvres et quel regard portons-nous sur elle?
Il semble que l’on ne puisse se passer de la représentation, l’image demeure. Le spirituel, alors, en a-t-il disparu? Que font les clercs? Y a-t-il encore des paroles à entendre?
La Table ronde a été suivie de débats sur le rôle de l’image. Trois points de vues ont été évoqués: pour la tradition Juive madame Mireille Mentré de l’institut de recherche et d’histoire des textes, maître de conférence à l’université Paris Sorbonne, auteur de « Jérusalem, symboles et représentations dans l’occident médiéval », de « L’Art juif au moyen âge » et de « Politique et Religion dans le judaïsme moderne ». Pour la tradition catholique le père Jean-Pierre Allouchéry de l’académie des Sciences Morales des lettres et des arts de Versailles. Pour la tradition protestante le pasteur Flemming Fleinert-Jensen de l’Eglise Réformée de France.
Madame Mireille Mentré
Travaillant à l’institut de recherche et d’histoire des textes des mondes juif et chrétien avec madame Sonia Fellous qui n’a pu venir, nous avons choisi un certain nombre d’images. Certaines sont exposées ici sur ces panneaux, images du moyen âge et du XIXème siècle, d’autres, de différentes époques, seront projetées.
Citation : « La Grèce a découvert son âme dans la forme, Israël a tenté d’imposer son âme à la forme »
En introduction je tiens à dire que, contrairement à ce que certains pourraient penser, l’art juif existe, vous allez le voir.
Qu’est-ce que l’art juif ? C’est une œuvre faite par quelqu’un qui est juif ou converti et œuvre se rattachant à la Bible.
Dieu dit à Moïse qu’il faut faire des objets (cf Ex 25,1 traduction Chouraki) : « Le Seigneur (Tétragramme, Yahvé, Adonaï … ou pour les catholiques Dieu ou Seigneur) adressa la parole à Moshé : vois, j’ai appelé par son nom Beçalel, fils d’Ouri, fils de Hour de la tribu de Juda. Je l’ai chargé du souffle d’Elohim pour qu’il ait sagesse, capacité, connaissance afin de penser des pensées, pour œuvrer dans l’or, l’argent et le bronze, pour la taille de la pierre à sertir, pour la taille du bois, pour faire tout ouvrage, tout objet, table et temple, candélabre, autel de l’holocauste et ses objets, vêtements de cérémonie, du sanctuaire, pour le prêtre et ses fils »
Celui qui fera l’objet, Beçalel, sera pour son art inspiré de l’esprit de sagesse.
Mais alors que comprendre du second commandement : « tu ne feras pas d’images sculptées »? Pour comprendre il faut lire la suite « tu ne te prosterneras pas devant elles » c'est-à-dire : ne sois plus païen à adorer des idoles que tu as faites de tes mains avec ce qu’il y a dans la terre, le ciel et l’eau, mais adore seulement Dieu, Moi, l’Eternel.
Certes, certains rabbins ont préconisé de ne pas faire de sculpture mais entre Moïse et le XXème siècle il y a eu évolution permettant d’affirmer que l’art juif existe.

Ainsi vous avez sous les yeux des images du 2ème au 20ème siècle. D’abord venant de la synagogue de la ville de Doura Europos, une peinture murale du 2ème siècle avec au centre la Misha, la niche, où l’on place les rouleaux de la Torah (Pentateuque), Parole de Dieu, avec au-dessus une petite porte fermée à double tour qui représente la porte du Temple de Jérusalem, à gauche le candélabre et à droite le sacrifice d’Abraham. C’est la plus ancienne peinture murale retrouvée, peut-être y en a t’il de plus ancienne.
Autre image : un cahier d’enfant apprenant l’alphabet hébraïque qui met au centre la menora, le chandelier à sept branches.
Image d’un double chandelier à sept branches à voir selon l’art cinétique, en bougeant ou en faisant bouger l’image. Œuvre du XIVème siècle en Catalogne).
Un tableau de Chagall (qui est juif) avec là encore le chandelier à sept branches, image récurrente jusqu’au XXème siècle.
Une pièce de monnaie du 1er siècle avant JC représentant celui qui est à la fois le roi et le grand prêtre.
Autre objet avec deux lampes à huile juives du 1er siècle de notre ère. Celle de droite représente deux personnages bibliques, David et Goliath. Celle de gauche est allégorique, représentant un oiseau s’échappant, allusion au psaume 124 « comme un oiseau nous avons échappé au filet des chasseurs », allusion elle-même au peuple hébreux échappé d’Egypte.
Un tableau de Rothko du XXème siècle narratif, allégorique et mystique … il y aurait beaucoup à dire sur les peintures mystiques.
Encore une niche où déposer la Parole de Dieu car la synagogue est lieu de prière.
Une représentation du sacrifice d’Abraham, que l’on appelle « ligature » dans le monde juif, (comme dans le monde arabe), car le sacrifice n’a pas eu lieu, Dieu ayant envoyé un bélier. On voit ici Sarah, mère d’Isaac, souffrant en voyant son fils sur l’autel.
Après la destruction du Temple (70 après JC) il y a eu constructions de nombreux édifices, surtout à Doura Europos, avec 20 temples à des Dieux païens mais une chapelle chrétienne et une synagogue. On peut y voir cette représentation de Moïse sauvé des eaux avec la Reine se baignant dans le Nil pour soigner ses plaies, voyant l’enfant son bras s’allonge, selon certaines légendes, pour l’attraper et le sauver.
Un manuscrit rare du Xème siècle, conservé à Saint Petersbourg, représentant le plan du tabernacle dans le désert.
Thème très important, celui d’une Bible hébraïque de 1299, de Majorque en Catalogne dont la double page exposée dès l’entrée de cette Bible montrait, outre le chandelier, ses ustensiles, les divers autels… les tables de la Loi au dessous de chérubins car Dieu a dit « Je te parlerai sous l’aile des chérubins ». Cette double page est le sanctuaire de Dieu, qui n’est pas seulement la mémoire du Temple mais l’espoir de sa reconstruction, perspective messianique. Perspective très répandue en Provence et en Catalogne au XIVème siècle.

Philippe Lemant : "merci Madame Mentré de nous avoir montré l’existence de tout un art juif présent dès l’époque du premier testament, preuve d’un besoin d’exprimer ainsi la quête de la spiritualité."
Père Jean-Pierre Allouchéry
Dans quelques temps vont être invités de nombreux artistes par le pape Benoit XVI pour commémorer, 45 ans après, la belle allocution du pape Paul VI faisant suite à Vatican II. Il y a dix ans le pape Jean-Paul II a écrit une belle lettre aux artistes renouant le dialogue avec l’Eglise.
La commission chargée du travail préparatoire à la définition des formes d’art convenant au culte aboutit à un document plus biblique et plus ouvert. Seul est accepté par l’ensemble conciliaire ce qui concerne la liturgie en se montrant très prudent à propos des images religieuses. Les évêques étant invités à promouvoir la noble beauté sans s’attacher à un style particulier cela faisait penser à une acceptation des tendances esthétiques contemporaines. Mais en même temps une série de bornes sont mises à la liberté d’expression de l’artiste. Cependant en mai 64 Paul VI prononce une courageuse allocution dans laquelle il reconnait la responsabilité de l’Eglise dans la fracture entre elle et l’art ; il souhaite une reprise du dialogue posant comme seule condition une solide formation religieuse. (Ce qui sera repris dans « Gaudium et Spes »). Rejetant les cercles conservateurs qui demandaient que seul l’art vrai, c'est-à-dire l’art catholique, fut reconnu, le concile dans son chapitre sur l’art encourage l’acceptation d’artistes, même non chrétiens, quand ils ont l’intelligence de la Foi. Cette question reste à l’ordre du jour et sera examinée lors de la prochaine rencontre avec le pape Benoit XVI.
L’Eglise ne considère aucun style comme lui appartenant en propre mais selon le caractère des peuples et la diversité des rites. Elle a admis les genres de chaque époque à travers les siècles comme un trésor à conserver avec soin.
Je vais vous dire ce que dit la constitution conciliaire au sujet de la liturgie. Parmi les œuvres de l’esprit humain l’art sacré compte, à juste titre, parmi les beaux arts, surtout l’art religieux et au sommet l’art sacré. L’art sacré, par nature, vise à représenter la beauté infinie de Dieu avec louange et gloire afin de tourner les âmes humaines vers Dieu. Il convient que l’art ait liberté de s’exercer pourvu qu’il serve les rites et les édifices sacrés avec les honneurs qui leur sont dus ; si bien que les artistes soient amenés à ajouter leur voix à l’admirable concert de gloire que les plus grands hommes ont chanté à la gloire de la Foi catholique au cours des siècles passés. Les ordinaires veilleront à ce qu’une noble beauté soit préférée à la somptuosité en promouvant un véritable art sacré concernant vêtements, ornements…. Ils veilleront à ce que les œuvres artistiques ne soient pas inconciliables avec les mœurs ou avec la Foi chrétienne ou avec ce qui blesse le vrai sens religieux par l’insuffisance, la médiocrité ou le mensonge de leur art ; ils seront nettement écartés des maisons de Dieu et autres lieux sacrés. Dans la construction de ces édifices sacrés on veillera à ce que ceux-ci se prêtent à l’accomplissement des actions liturgiques et à la participation active des fidèles : deux critères fondamentaux. (1963). On maintiendra la pratique de proposer des images à la dévotion des fidèles mais en nombre restreint et avec une juste disposition pour ne pas éveiller l’étonnement du peuple chrétien et ne pas favoriser une dévotion mal réglée (par plusieurs images de la vierge par exemple). Pour juger les œuvres d’art les évêques entendront la commission diocésaine. Evêques et prêtres sensibles à l’art veilleront à ce que les artistes soient emplis de l’esprit. De plus on recommande la création d’écoles ou d’académies d’art sacré afin de former les artistes. Il s’agit d’imiter religieusement le Dieu créateur afin de créer des œuvres destinées au culte catholique, à l’édification des fidèles ainsi qu’à leur piété et à leur formation religieuse. Ce qui apparaitra mal accordé à la restauration de la liturgie sera amendé ou supprimé. Il appartient aux évêques d’adapter cet accordage aux mœurs locales. Les clercs au cours de leur formation philosophique et théologique seront instruits de l’art sacré pour pouvoir donner les conseils appropriés aux artistes.

Il était important de donner la position actuelle de l’Eglise dans l’expression de la Foi.

Je vais vous présenter des images :
Icône de Roubliov (Moscou). Icône si célèbre que l’on en a fait maintes copies : « icôneries » puisque seul l’original respecte la tradition orientale de l’exécution de l’œuvre … enfin on a des images pieuses !! On peut croire qu’il s’agit d’une Trinité mais alors que penser de la figuration de l’Esprit Saint ? Il s’agit, en fait, des 3 visiteurs d’Abraham.
Didon et Enée (VIème siècle) : on pourrait évoquer une Sainte Cène : table, serviteurs, poisson sur la table, possible ichtus symbole du Christ… pas du tout, c’est une œuvre païenne mais la composition a été reprise par l’iconographie chrétienne, christianisation des formes !
Vierges allaitantes pour rappeler qu’il n’y a pas de statues dans les églises avant l’an mille ; ces statues sortent des icônes murales en donnant épaisseur, ombre et vie à l’enfant qui suce le sein d’une mère en majesté sur son trône.
Déesse Isis sur son trône Egyptien allaitant son fils le jeune Horus. Isis sera à l’origine de nos vierges noires mais son culte sera surtout en rivalité avec celle de la Vierge chez les romains. Cela d’autant plus qu’Isis est symbole de résurrection, en effet elle ramène à la vie Osiris qui avait été découpé en morceaux ; elle recolle les morceaux mais manque le sexe ; ce sera une colombe qui la couvrira pour qu’elle engendre Horus. On voit la reprise des thèmes et des représentations dans le christianisme.
Moïse au sein (Doura Europos) l’enfant refuse le sein de celle qui l’a sauvé mais acceptera celui de sa mère à qui il a été rendu. Ce n’est donc pas un Egyptien ! On voit la fonction politique de l‘image.
Fresque du bon pasteur retrouvée dans une maison chrétienne de Doura Europos avec un agneau si gros, si lourd sur les épaules du bon pasteur, qu’il s’agit de l’Eglise toute entière.
Représentations de la Croix : il n’en est retrouvé aucune avant un graffiti du 3ème siècle, à Rome, caricature de chrétien, un crucifié à tête d’âne. A Paris un crucifié du 3ème siècle sur une ampoule de dévotion gnostique (qui croient que le Christ n’est mort qu’en apparence !).Sur un sarcophage du 4ème siècle, croix nue surmontée d’un Christ victorieux. Sur une mosaïque de Ravenne du 5ème siècle un crucifié en majesté à la place de l’Empereur … ! Bouleversant : comment un crucifié, un crucifié sur le bois, honte nous dit le deutéronome, un maudit crucifié, ressuscité et qui se dit fils de Dieu alors que tout le monde sait que seul l’Empereur est fils de Dieu ….!
Un crucifié sans croix à Rome dans un couvent dominicain.
Une mosaïque du 7ème siècle avec un simple voile sur la tête… la figuration anthropomorphique du visage autorisée du fait de l’incarnation se fixera … cheveux longs à partir de Sanson … barbe puisqu’Isaïe parle des poils de la barbe que l’on a tiré du serviteur !
Un Christ nu du 16ème siècle, caché dans un grenier, puis par un cache-sexe ; c’est « suivre le Christ nu », homme de la résurrection dans la chair.
Christ nu caché dans l’eau du baptême.
Christ dont le ventre est en forme d’énorme sexe … nudité à montrer ou non … blessée ou glorieuse ?

En conclusion y a-t-il à voir ?
Fra Angelico peint un tableau où les femmes au tombeau ne voient rien mais où c’est le regardeur, nous, qui seuls voyions le ressuscité ………ou encore ce Christ qui semble être Croix, ou cette Croix qui semble être Christ, tellement confondus qu’il a fallu retirer de la vue des fidèles cette œuvre de Germaine Richier.

Le Christ, ressuscité, a été retiré de notre vue mais c’est là le fondement de notre Foi.

Philippe Lemant : "merci Père de nous avoir donné la vision actuelle de l’Eglise catholique sur notre sujet et votre vision personnelle sur la fonction des images que vous nous avez montrées."
Pasteur Flemming Fleinert-Jensen
Si vous entrez dans un temple réformé ou calviniste vous serez bien déçus car il n’y a pratiquement pas d’images … donc ça ne colle pas du tout avec le sujet de la soirée sur la fonction de l’image.
Qu’est-ce que vous trouvez dans un temple réformé ? Une chaire, une table de communion (on ne parle pas d’autel, ça ferait trop catholique), une croix comme sur le mur derrière moi, pas un crucifix, à la rigueur les deux tables de la Loi, à l’extrême rigueur la table avec les noms des pasteurs de la paroisse, voire de ceux qui sont morts pour la France … Sinon rien … rien …vide … sauf … sauf s’il y a culte ou assemblée, s’il y a des gens qui chantent ou une parole partagée, où s’il y a baptême, Sainte Cène … Alors il y a quelque chose qui se passe … mais qui se passe des images.
Tout cela remonte à Jean Calvin, un des plus grands écrivains Français, même si son nom reste attaché à Genève. Son œuvre la plus connue est, sans doute, « L’institution chrétienne », espèce de dogmatique qui traite de la plupart des points essentiels de la foi chrétienne.
Dans le premier livre, chap XI on trouve une référence au deuxième commandement ou parole de la Décalogue« Tu ne feras pas d’images taillées, rien de ce qui est en haut, de ce qui est en bas, pour te prosterner devant ». Vous connaissez cela mais vous connaissez peut-être moins ce chapitre 4 du Deutéronome où il est dit « Le Seigneur vous a parlé du milieu du feu ; une voix parlait et vous l’entendiez mais vous n’aperceviez aucune forme ; il n’y avait rien d’autre … que la voix ». (v.12)
Car Dieu est esprit comme il est dit dans le dialogue avec la Samaritaine (Jn ch4). Même le mot « est » ne figure pas dans le texte grec, simplement Dieu-Esprit : tout ce qui est temporel ne convient pas à Dieu malgré les anthropomorphismes qui apparaissent dans la Bible et notamment dans la Bible Hébraïque.
Calvin dit qu’il faut prendre cela au sérieux car l’esprit de l’homme se forge spontanément des idoles. C’est là l’apport essentiel et permanent de la foi d’Israël que cette mise en garde contre toutes ces idoles.
Aujourd’hui notre problème n’est pas tellement celui d’idoles en bois ou autres matériaux, mais les idoles existent et l’on pourrait disserter longuement là-dessus ? C’est l’apport d’Israël ainsi que la confession de foi que Dieu, notre Seigneur, est Un.
« Ecoute Israël » c’est toujours la Parole et Calvin prend cela au sérieux. Cela ne veut pas dire qu’il refuse peinture et sculpture, ce sont des dons de Dieu que l’on peut utiliser …mais pas dans les temples … ils sont l’espace de l’Esprit où Dieu nous parle et où nous lui répondons par la parole.
Calvin ajoute que pendant les 5 premiers siècles il n’y avait pas d’images dans les temples ni les églises et il a des paroles fortes contre ces sottes dévotions et superstitions qu’on trouve dans l’église du pape !
Finalement les meilleures images sont celles qui représentent les deux sacrements que sont le baptême et la Sainte Cène ainsi que les cérémonies qui les entourent.

Voilà la sobriété, l’ascèse de la tradition calviniste mais avant Calvin il y a eu Martin Luther de 26 ans son aîné. Si vous vous souvenez de vos études vous saurez qu’en 1521 il comparut à la Diète de Worms devant Charles Quint et les notables du Saint-Empire et que c’est là qu’il dit « me voici, je ne peux rien faire qui aille contre ma conscience ; si vous pouvez me prouver que ce que j’ai dit est faux à partir de la Bible je me rétracterais, sinon je ne le peux pas ». Le résultat c’est que Luther a été condamné hors la loi et vous vous souvenez de cette histoire rocambolesque quand on rentrant à Wittenberg en Saxe les gens du prince électeur Frédérique le Sage le capturent et l’installent dans le château de la Wartburg. Il y passe dix mois dans ce merveilleux château, au milieu des bois et qu’est-ce qu’on fait quand on est tout seul ? Eh bien on commence à traduire le Nouveau Testament et en onze semaines il a traduit le Nouveau Testament en allemand.
Cela a été un évènement capital dans la vie culturelle en Allemagne car la langue allemande de Luther est devenue la langue de référence. Mais, au bout de ces onze semaines, de soi-disant prophètes sont venus disant que dans la réforme qui avait commencé, tout tournait autour de l’Esprit de Dieu donné en l’homme et qu’il n’y avait donc pas besoin des sacrements ni des images. Luther a été un moment iconoclaste et a enlevé les images des églises.
Puis là Luther dit non : je ne peux faire cela, et il décide de rentrer à Wittenberg contre la volonté du prince électeur. Il se demande comment il aurait pu empêcher cela. Eh bien il commence à prêcher ; par ses sermons il se fait le porte-parole de la liberté des chrétiens. Bien sur dit-il tout ce qui est idolâtrie et semblant de bonnes œuvres, salamalecs devant la Vierge pour obtenir des indulgences sont des abus et il faut dire non aux images. Mais si on veut garder ces images la seule raisons en serait leur utilisation pédagogique et catéchétique, illustrer la foi et la rendre plus concrète.
Quand vous entrez dans une église luthérienne vous verrez bien des différences. Les églises anciennes ont gardé l’héritage des églises catholiques et dans certaines églises de la Réforme vous pouvez voir des retables magnifiques, des sculptures en bois, des fresques, des épitaphes et même des crucifix (on pourrait là dessus passer la soirée) Moi-même qui vient de la tradition luthérienne quand je suis devenu pasteur de l’Eglise réformée de France, ça m’a toujours amusé de dire à mes chers co-religionnaires que pour moi un crucifix c’est tout à fait normal ; ils commencent à me dire que non la croix nue veut dire que le Christ est ressuscité ; moi je ne dirai pas le contraire, mais pour être ressuscité il faut d’abord être crucifié.
Vous avez déjà entendu cette parole du philosophe Kierkegaard « La croix là est nue non seulement parce que le Christ est ressuscité mais aussi parce qu’elle t’attend ».
Un luthérien est plus décomplexé qu’un réformé par rapport aux images et je le dis pour que les catholiques comprennent qu’il n’y a pas qu’une seule spiritualité protestante pour ce qui concerne les images.

Quelques images
La plus parlante : celle d’une Sainte Cène du XVIème siècle d’une église danoise. Le Danemark dont je suis originaire est de tradition luthérienne d’où un essor surtout récent pour rapprocher l’art de l’Eglise. Il s’agit d’un retable dont la prédelle résume la théologie de la Réforme avec à droite le pasteur qui prêche, priorité de la parole ; sa main pointe vers le Christ crucifié au centre de tout et à gauche un baptême.

Philippe Lemant : "merci Flemming. Nous t’aurions bien écouté longtemps encore, tant tu nous instruis avec cette compréhension subtile de la fonction de l’image parfois si utile et parfois si dangereuse … mais la parole, oui la parole, est à la salle."

Les questions posées:

G.C. : vous nous avez indiqué que les musulmans avaient parfois représenté Allah avec un visage vide ; il en a été de même dans le choix d’artistes, en dehors de toute prescription, comme dans les visages dessinés de Matisse en la chapelle de Vence. Qu’en est-il de l’apport du peintre, de sa passion, de sa spiritualité ?
Cl.S. : parmi les images il en est qui nous instruisent mais n’y en a-t-il pas d’autres qui nous touchent comme un cri, comme une prière ?
Merci à tous. P.L.



Philippe Lemant, le Père Jean-Pierre Allouchéry, Madame Mireille Mentré et le Pasteur Flemming durant la conférence.

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